Dans une époque où la parité est souvent revendiquée, il manquait à notre rubrique « personnalités » une présence féminine. Une lacune comblée en ce début d’année 2025, avec une nouvelle page dédiée à une ex-lavernoise. Son parcours, son brillant parcours, nous permet d’ouvrir en parallèle le chapitre du sport, encore inexploité jusqu’ici. Elle y a connu une vocation précoce, suivie d’une ascension jusqu’au niveau international. A ce titre, elle est, nous semble t-il, une référence, un exemple, une source d'inspiration pour la jeunesse lavernoise.
Emmanuelle Coubat est entrée dans la vie (en 1970) d’une manière pour le moins singulière.
Sa mère, Maryse, emprunte l’ascenseur du bâtiment de Besançon où elle demeure au 4ème étage avec son mari Albert et son fils, Jean-Christophe, lorsque des contractions l’assaillent.
Il n’est plus question de partir comme prévu pour la clinique Quichon. L’accouchement s’annonce imminent. De fait, même le médecin de famille, appelé en urgence, n’arrive que pour « couper le cordon ».
Est-ce le signe d’un tempérament pressé de la nouvelle-née ? Est-ce le signe d’un caractère facétieux, puisque l’événement se déroule un 1er avril ? Ses proches ont les réponses.
Pour tous, c’est clair, les circonstances de sa venue au monde révèlent déjà qu’Emmanuelle est une gagneuse.
Sa carrière sportive, de dimension internationale, le confirmera amplement.
Un autre indice révèle très tôt le caractère affirmé du « personnage » : sa scolarité éclair de deux jours dans une maternelle de la capitale franc-comtoise. Impossible de prolonger l’expérience, Manu n’en veut plus.
L’épisode est vite oublié. Fin 1972, la famille s’installe à Lavernay où elle a fait construire. Le village compte alors 250 habitants.
Parenthèse : avec le recul, Emmanuelle voit aujourd’hui dans ce nouveau cadre de vie un premier tremplin vers ce qui va façonner son existence.
Car c’est là qu’elle découvre le ping-pong, dans le grand garage au sous-sol de la nouvelle maison où les parents ont installé une table pour « occuper leur temps libre à la campagne ».
Tout le foyer s’y met : le père, la mère, le fils, et même la petite dernière dont le menton ne dépasse guère le plateau de la table. Très vite, la passion les gagne tous. Les « on descend ? », les « on y va ? » se multiplient.
Pour Emmanuelle, il faut aussi entamer les études, avec plus d’assiduité que lors de l’expérience bisontine. C’est à l’école de la commune qu’elle fait ses premières classes à partir de la rentrée 1975. Elle les prolonge ensuite au collège de Marnay jusqu’en 1984. Entretemps, la famille s’est agrandie d’un petit Pierre-Albert, en 1979.
Ces dix années d’enfance à Lavernay sont bien occupées. Outre l’école et le ping-pong en famille, la championne en herbe a besoin de « s’éclater » au grand air. Dans l’environnement rural qui est le sien, elle peut toujours courir. Mais c’est plutôt sur les pistes d’athlétisme locales qu’elle s’entraine, avec des succès à la clé dès ses débuts en compétition.
Après avoir décroché un 1er titre de championne de France de ping-pong chez les minimes à 11 ans, elle est sacrée la même année championne du Doubs de cross-country et gagne le 1 000 mètres de l’académie du Doubs en benjamine.
L’année suivante, elle se distingue en remportant le 500 m benjamine du championnat d’académie, à Dole sous les couleurs de Marnay, et un 2ème titre de championne du Doubs de cross sous celles du B.A.C. (Besançon Athletic Club).
Pendant cette période, elle glane aussi quelques autres résultats flatteurs en tennis de table avec l’A.S.P.T.T. Besançon. C’est, et de beaucoup, le sport qu’elle préfère. Dès lors elle va s’y consacrer totalement, la course à pied n’étant plus pour elle qu’un moyen d’entretenir sa condition physique.
En 1984, c’est le grand départ, probablement la 2ème étape décisive de son parcours.
Emmanuelle, convaincue qu’un avenir sportif de haut niveau est à sa portée, quitte Lavernay et le domicile familial pour la capitale. A 14 ans, elle entre comme interne à l’I.N.S.E.P., l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance. Avec, dès cette première année parisienne, une médaille d’or par équipe aux internationaux de cadets à Dijon.
Passée chez les juniors l’année suivante, elle obtient une médaille d’argent aux internationaux d’Italie, en double fille.
En 1986, elle gagne le championnat de France junior filles tandis que Jean-Philippe Gatien (qu’elle appelle Philou), futur champion du monde et vice-champion olympique, gagne le même titre chez les garçons.
Ses études ne sont pas en reste. En 1987, elle obtient un bac C (Maths, physique), complété par un DEUG puis, en 1990, une licence S.T.A.P.S. (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) qui prépare aux métiers du sport.
Toujours en Junior, elle constitue un double mixte parfait avec Olivier Marmurek qui leur vaut de décrocher le titre prestigieux de champions d’Europe à Athènes en juillet 1987, et de faire la UNE de Tennis de Table Magazine.
Vient ensuite le passage dans l’élite, en équipe de France Sénior, où elle reste titulaire de 1988 à 1996.
Cette fois, c’est en double dame qu’elle obtient ses plus grands succès : une médaille d’or à Londres en 1989 aux côtés de la franco-chinoise Xiao-Ming Wang, suivie d’une seconde du même métal, avec la même partenaire, aux Internationaux de France 1992 à Liévin.
L’or n’étant pas toujours accessible, la paire ne dédaigne pas non plus l’argent (métal) conquis en Italie et à Athènes, ni même le bronze obtenu aux championnats d’Europe de Göteborg en 1990. Le bronze, elle le conquiert aussi la même année en équipe aux Championnats du Monde à Chiba au Japon.
Pour les sportifs de haut niveau, la participation aux Jeux Olympiques a souvent valeur de consécration.
Même si elle n’en pas ramené de médaille, Emmanuelle peut se flatter d’avoir été sélectionnée à deux reprises dans l’équipe de France pour représenter notre pays sous la flamme. A Barcelone en 1992, et à Atlanta en 1996.
Au bout du compte, sa carrière internationale l’a conduite dans de nombreux pays : Allemagne, Angleterre, Autriche, Chine, Espagne, Irlande, Italie, Japon, Grèce, Pologne, Slovaquie, Suède, U.S.A. Elle se solde par la conquête de 23 médailles dont la répartition est résumée dans le tableau ci-dessous.
Cette présentation serait incomplète si le palmarès national de notre vedette était « oublié ». Devant son abondance, nous le réduisons toutefois aux seuls titres de championnes de France, délaissant les accessits.
Le bilan est exceptionnel : 26 titres, dont 16 en sénior.
Dans toutes les catégories d’âge, comme dans toutes les configurations de jeu, Manu s’est imposée (cf. ci-dessous).
S'il fallait ne retenir qu'une seule victoire pour Emmanuelle, ce serait son 1er titre sénior en simple à Dijon, sous l'œil et les encouragements de plusieurs membres de sa famille. Face à l'ultra favorite Xiao-Ming Wang, elle était parvenue à s'imposer contre toute attente.
Bien qu'ayant quitté l'équipe de France sénior au terme de la saison 1996, Emmanuelle gagne encore le titre en simple en 1996 à Levallois, et le titre en double dames en 1998 avec Sylvie Plaisant de l'Union sportive du Kremlin Bicêtre.
Quelques semaines plus tard, elle arrête la compétition et devient CTR (conseillère technique régionale) à la ligue d’Ile de France de la Fédération Française de Tennis de Table.
En 2000, elle revient à l’INSEP s’investir dans la formation. Aujourd’hui (en 2025), elle est responsable de formation, formatrice elle-même, et assure des missions de coaching de cadres et d’entraineurs.
Elle habite Champigny sur Marne, à 4 heures de Lavernay, où elle revient toujours avec émotion, passer un moment avec ses parents et profiter des charmes de la campagne. Elle a toujours une licence à l’A.S.C.L., mais ne sort plus souvent la raquette. Elle préfère les sorties vélo avec papa et les promenades avec maman.
Les retrouvailles avec ses frères sont plus difficiles à planifier. Jean-Christophe, l’ainé, réside à Singapour tandis que Pierre Albert, le benjamin, vit au Québec. Le 1er est Vice-Président du Groupe Bel, le second est adjoint au Ministère de la santé et des Services Sociaux.
Retrouvez Emmanuelle dans la vidéo ci-dessous