Garde national en 1870 Au collège de Baume les Dames, le barbu à droite Auguste vers 1881 Auguste vers 1906
Auguste SINDZINGRE, maire de Lavernay du 8 mai 1904 au 15 novembre 1909
Pour bien situer notre personnage, un peu de généalogie est nécessaire
Les Sindzinger sont, à l’origine, une famille de Souabes du Danube, autrement dit des allemands qui ont émigré vers la Hongrie à la fin du XVIIème siècle.
Selon la fantaisie des prêtres qui ont tenu les registres, leur patronyme a évolué dans son orthographe : Zenzinger, Sinzinger, Sindzinger, Sindezingre, Sindezingue, Sindzingre.
Le grand père d’Auguste, Georg-Andreas SINZINGER (dit Andréas), est né en 1771 à Maiss, petit village rattaché au Comitat de Baranya en Hongrie. Il est le premier de la lignée à avoir vécu à Lavernay. Mobilisé dans l’armée d’Autriche-Hongrie en 1792 pour combattre les français, cet ex-vigneron déserte en 1795 avec quatre compagnons et se réfugie en France la même année. A l’époque, les révolutionnaires accueillent tout étranger émigrant en France et favorable à leurs idées.
Arrivé à Lavernay en 1803, au terme d’un périple rocambolesque, il retrouve Luce BAUD, rencontrée l’année précédente dans un bal à Audeux, et l’épouse en juin 1808. Les deux conjoints ont déjà, à ce moment-là, une petite fille de quatre ans. Quatre autres enfants complèteront le foyer des deux « manouvriers », dont Jean-Baptiste, le père d’Auguste. Andréas décède à Lavernay le 21 octobre 1843.
Jean-Baptiste, nait à Lavernay le 12 mars 1821, 17 ans après sa sœur ainée. Cultivateur et viticulteur comme son père, il se marie à Hugier (Haute Saône) le 19 avril 1849 avec Thérèse BAUDOIN, à quelques mois de la naissance d’Auguste. Ce sera l’unique enfant de cette union. Jean-Baptiste s’éteint le 28 avril 1895 à Lavernay.
Auguste nait à Lavernay le 7 septembre 1849. Il se marie une première fois en 1877 avec Emma FAIVRE qui meurt à 24 ans en mettant au monde un fils, Jean-Auguste, né le 22 août 1879. En 1882, Auguste se remarie avec Marthe CHAUMONT de qui il aura trois autres enfants : Marie-Thérèse, Henri et Marguerite. Auguste disparait le 15 novembre 1909 dans des circonstances particulières évoquées plus loin.
La vie d’Auguste
Auguste passe ses premières années auprès de sa mère, Thérèse, à qui son mari s’en remet pour lui transmettre les valeurs familiales et une bonne éducation.
Dès l’âge de 5 ans, les recteurs et maîtres d’école s’accordent à voir en lui des dispositions à l’étude très supérieures à celles des autres élèves. Les parents décident alors de ne pas l’employer à la ferme pour lui permettre de suivre sa voie.
A 14 ans, Auguste est reçu brillamment aux épreuves écrites et orales du Certificat d’Etudes Primaires. Puis il entre à l’Ecole Primaire Supérieure de Granvelle à Besançon.
A 17 ans, il est reçu au concours de l’Ecole Normale, où il est admis en octobre en qualité d’élève-maître. L’année suivante, il tient sa première classe sous l’égide de son maitre référent et signe un engagement de 10 ans pour le service du Ministère de l’Instruction Publique. Moyennant quoi, il est dispensé du tirage au sort pour le service militaire et du risque de perdre 7 années.
A 20 ans, il sent naitre en lui une conscience politique. Il soutient la République et Léon GAMBETTA face aux bonapartistes et orléanistes. La même année, il décroche les brevets qui lui donnent accès à la profession d’instituteur. A la rentrée suivante, il est nommé Professeur au Collège de Baume les Dames.
Lors de la déclaration de guerre à la Prusse en juillet 1870, et malgré sa dispense, il est incorporé dans la garde nationale sédentaire à Besançon, une sorte de réserve disponible en cas d’aggravation du conflit. En février 1871, l’armistice est signé. Auguste rend sa tenue et reprend son poste à Baume les Dames.
Il y reste 4 années, au cours desquelles il passe le plus clair de son temps libre à étudier en bibliothèque. Il se dote d’une solide culture et remplit toutes les missions qu’on lui confie avec brio, comme le mentionnent les rapports d’inspection et les appréciations de ses supérieurs.
A 25 ans, il est muté à l’Ecole Primaire de l’Arsenal à Besançon en tant qu’instituteur. Pendant l’été, et parfois le week-end, il aide ses parents aux travaux de la ferme et à la construction d’une maison à Lavernay, Chemin de la Fontenelle. Compétent et reconnu comme tel dans sa vie professionnelle, il est également très attentif aux pratiques du monde rural pour lequel il imagine des voies de progrès appréciées des lavernois.
En 1875, il rencontre Emma FAIVRE qui, à tout juste 20 ans, est institutrice des filles à l’école de Lavernay. Ils se marient au village le 12 juillet 1877, et entame leur vie de couple dans le logement de fonction qu’occupe Emma. Au printemps 1879, la maison du Chemin de Fontenelle est terminée. Les jeunes époux peuvent s’y installer dans un logement indépendant de celui des parents. Une aubaine, car Emma est enceinte de 5 mois.
La future maman s’épuise à réaliser des aménagements pour que l’enfant dispose des meilleures conditions. Jean-Auguste vient au monde le 22 août 1879. Sa mère ne lui survit qu’un seul jour. Auguste est effondré. Pendant de longues semaines, il ne parle presque plus. Sauf dans sa classe où il demeure l’enseignant passionné et soucieux de la réussite de ses élèves qu’il a toujours été.
Peu à peu, sa vie retrouve un cours plus normal. A l’automne 1881, il reprend goût aux conversations avec ses collègues. L’un d’entre eux, lui fait rencontrer Marthe CHAUMONT à Besançon. Comme Emma, elle est institutrice. Ils se marient en septembre 1882 à Auxon les Vesoul où résident les parents de Marthe.
Marthe, qui fait classe au Palais de Granvelle, obtient un logement de fonction dans un appartement sur place. Le couple s’y installe. Deux enfants viennent compléter le foyer : Henri en 1884 et Marie-Thérèse en 1885.
Hélas, la petite, foudroyée par une épidémie de diphtérie, succombe à l’âge de 13 mois.
Marthe, bouleversée, s’enfonce dans une semi-dépression incomprise de sa hiérarchie, très critique envers elle. De nouveau enceinte, elle met au monde une seconde fille, Marguerite, le 30 juin 1888.
Auguste, promu Directeur Adjoint à l'école de l'Arsenal, est nommé officier d’académie en 1892. Fidèle à son personnage, il n’en tire aucune fierté. A partir de 1895, à la mort de son père, il vient de plus en plus souvent à Lavernay. Il développe une grande proximité avec de nombreuses familles du village, s’intéressant aux études des enfants, répondant aux demandes de conseils des parents - souvent agriculteurs - sur le traitement des sols, l’utilisation des semences …
En 1903, Auguste LANDOZ, maire de Lavernay depuis 1886, annonce à son conseil qu’il est fatigué. Pour tous, maire et conseillers, Auguste SINDZINGRE est le mieux placé pour lui succéder. C’est chose faite lors des élections de mai 1904.
Deux mois plus tard, le nouveau maire prend sa retraite, unanimement salué par le corps enseignant. Très vite, il s’investit avec sa rigueur méthodologique dans les multiples dossiers de la commune. Avec une grande attention aux habitants, une volonté de les servir. Il se fait même écrivain public pour ceux qui sont proches de l’illettrisme.
Réélu en mai 1908 pour un second mandat, Auguste l’entame avec le même enthousiasme, le même dévouement. Entre temps, il a également pris les fonctions de Secrétaire de la Société d’Agriculture et la Présidence du Comice Agricole du canton d’Audeux.
Le 15 novembre 1909, il anime une séance du Conseil Municipal. Lorsqu’il le quitte pour rentrer chez lui, iI tombe une pluie froide, le niveau du ruisseau du Breuil est élevé, la nuit est noire. Auguste emprunte le pont de planches sans garde-corps surplombant le Breuil … et tombe dans l’eau glacée. Son corps est retrouvé le lendemain à 100 mètres en aval du pont.
Que s’est-il passé ? Une glissade, un malaise entrainant la chute, autre chose ? L’autopsie n’a pas apporté de réponse. La disparition d’Auguste Sindzingre, à l’âge de 60 ans, restera à jamais mystérieuse.
Le 18 novembre, jour de ses obsèques, Lavernay connait une affluence exceptionnelle. Les nombreux hommages sont vibrants, à la mesure d’un homme hors du commun dont le comportement exemplaire dans tous les compartiments de sa vie lui a valu l’admiration et l’estime de tous ceux qui l’ont connu.
S’il n’y a plus aujourd’hui de Sindzingre à Lavernay, le souvenir d’Auguste encore vivace lui valait bien cette reconnaissance posthume de la commune dont il fut maire.
Marthe Chaumont en 1882 La tombe d'Auguste au cimetière de Lavernay
Que sont devenus ses proches ?
Marthe est décédée en 1914.
Jean-Auguste, devenu architecte, s’est éteint à l’âge de 37 ans. Son fils unique, Robert, né en 1907, résistant, déporté à Dachau, est mort en 1945, victime de la barbarie nazie.
Henri, professeur de mathématiques à Arnay le Duc a eu un fils André, né à Arbois en 1911 (date décès non connue) et une fille Anne-Marie, née à Beaune en 1926 et décédée en 2017.
Marguerite, enseignante en région parisienne, mariée sans enfant, s’est éteinte à Rabat au Maroc en 1960.
Sources :
- Etat civil de Lavernay
- Nos années Mimi – Avant-mémoires d’Anne Marie Belorgey née Sindzingre (petite-fille d’Auguste) par Jean-Pierre Marmonnier
Crédit photos :
- ouvrage ci-dessus (J.P. Marmonnier) sauf tombe Auguste (P. Dambre)